Covid-19 et canicule : comment adapter les mesures de prévention à l'épidémie ?
Masques, ventilation, aération… les mesures pour prévenir la contamination du coronavirus sont-elles compatibles avec les mesures habituellement prises pour gérer les risques liés aux fortes chaleurs ? Oui mais, répond le gouvernement. INRS et OPPBTP donnent aussi quelques pistes.
"Il n’y a pas d’incompatibilité véritable entre les mesures barrières et les recommandations sanitaires du plan canicule", estime le Haut conseil de la santé publique. Mais certaines doivent cependant "être adaptées". C'est ce que fait une instruction interministérielle du 29 mai 2020, publiée il y a quelques jours. Les recommandations générales en cas de fortes chaleurs (pauses, eau...) s'appliquent toujours ; les principales adaptations concernent la ventilation, la climatisation et l'aération.
Il est rappelé qu'à cause de l'épidémie, l’utilisation de ventilateurs dans les espaces collectifs clos ou semi-clos est contre-indiquée quand plusieurs personnes sont présentes en même temps, même porteuses de masques, si le flux d’air est dirigé vers les personnes. L’utilisation de ventilateurs de grande taille, par exemple situés au plafond, est à proscrire.
Aération
Quand l’utilisation de ventilateurs individuels est vraiment indispensable, mieux vaut, pour limiter le risque de transmission du virus par les flux d'air, diminuer la vitesse de l’air soufflé. Il faut aussi les placer au plus près des opérateurs pour avoir le même effet de rafraîchissement avec la vitesse d’air émise la plus faible possible, avoir la distance la plus importante possible entre les personnes et éviter qu’une personne soit sous le souffle d’un ventilateur servant au rafraîchissement d’une autre. Il faut aussi, si nécessaire, utiliser des écrans pour casser les flux d’air et éviter qu’un salarié se retrouve "sous le vent" d’un autre. Des conseils fournis par une fiche spécifique du ministère du travail.
L'instruction interministérielle rappelle les recommandations du ministère de la santé en matière d'aération pendant la crise sanitaire. Il faut régulièrement aérer l’air dans tous les espaces clos en ouvrant grand les fenêtres au minimum pendant 10 à 15 min deux fois par jour. Le but : apporter de l’air neuf et évacuer l’air ayant séjourné à l’intérieur vers l’extérieur et éviter le recyclage ou la recirculation de l’air dans les locaux. En cas de fortes chaleurs, il faut continuer d'aérer, mais seulement quand la température extérieure est inférieure à la température intérieure. L'aération doit se faire y compris en cas de pic pollution atmosphérique.
Climatisation
Dans les locaux occupés par plus d’une personne, il est conseillé de n’utiliser la climatisation que lorsqu’elle est nécessaire pour assurer "des conditions de travail acceptables", indique le ministère du travail. Lorsque celle-ci est utilisée, les débits de soufflages doivent être limités de façon à ce que les vitesses d’air au niveau des personnes restent faibles. Les vitesses d’air sont considérées comme faibles lorsque les personnes présentes dans un local ne ressentent pas de courant d’air, ce qui correspond à une vitesse d’environ 0,4 m/s.
La climatisation ne doit pas se substituer à l'aération des locaux. D'autant plus que certains climatiseurs utilisent l'air de la pièce pour le réinjecter à température souhaitée. "Quel que soit le type de système de climatisation utilisé, et de système de ventilation éventuellement associé, il est nécessaire de pratiquer une aération régulière", écrit le ministère de la santé. L’entretien des installations de ventilation et de climatisation doit être assuré régulièrement conformément aux prescriptions de leurs fournisseurs.
Réorganisation
Ces recommandations ne dispensent pas d'une évaluation des risques. Dans son instruction interministérielle, l'administration indique même qu'en phase de vigilance météorologique rouge, l'employeur doit quotidiennement réévaluer les risques pour chaque salarié. Il le fait en fonction de la température et de son évolution en cours de journée, de la nature des travaux devant être effectués et de l’âge et de l’état de santé des travailleurs.
En fonction de cette réévaluation, l’aménagement de la charge de travail, des horaires et plus généralement de l’organisation du travail doivent être ajustés. La liste des salariés bénéficiant du télétravail doit être réexaminée, en prêtant une attention particulière aux femmes enceintes, aux personnes souffrant de pathologies chroniques ou en situation de handicap.
Ces mesures peuvent être insuffisantes. Dans ce cas, l'arrêt des travaux est nécessaire. Cela peut être le cas pour des travaux qui comportent une charge physique importante à une température très élevée, comme ceux d'isolation en toiture, de couverture, ou la manutention répétée de charges lourdes.
Quoi qu'il en soit, ces consignes doivent bien être retranscrites dans le document unique d'évaluation des risques, et, le cas échéant, dans le plan de prévention, le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé, ou le plan particulier de sécurité de la protection de la santé, rappelle l'instruction interministérielle.
Boire avec un masque
Difficile de porter un masque quand il fait chaud. L'INRS rappelle alors que leur usage doit être réservé aux situations incompatibles avec la distanciation physique. L'institut indique qu'il est impératif de le retirer dès qu’il est humide ou mouillé. À propos des masques, l'instruction interministérielle met en garde : il faut assurer une majoration des équipements pour les professionnels qui participent à la surveillance des personnes isolées, puisqu'elles seront davantage mobilisées en période de forte chaleur.
Quand les températures sont élevées, il est bien sûr nécessaire de s'hydrater. Mais "en période de covid-19, avec un masque sur le visage, prendre un verre ou plusieurs grandes gorgées d’eau toutes les 20 minutes n’est pas si simple", fait aussi remarquer l'OPPBTP.
L'organisme explique donc : "la première précaution à prendre est de se laver les mains au savon avant de boire. Ne pas faire glisser le masque sur le cou ni le remonter sur le front. Il faut le décrocher d’un côté en ne touchant que l’élastique, le laisser pendre pendant qu’on boit, puis le repositionner délicatement". Et l'OPPBTP de rappeler que mieux vaut réorganiser le chantier pour éviter le port du masque, d'autant plus pénible quand il fait chaud.
Attention, les risques liés au covid-19 et à la chaleur ne doivent pas faire oublier les autres. Ainsi, l'OPPBTP rappelle que le casque et les chaussures de sécurité doivent être conservés, y compris quand il fait très chaud. L'organisme conseille cependant d'adapter les vêtements, en les choisissant de couleur claire, par exemple.
Pauline Chambost, actuel HSE 29 juin 2020
Rappel des recommandations du Ministère du Travail
Pour les travailleurs en extérieur, l'employeur doit aménager les postes en extérieur de façon à ce que les travailleurs soient protégés, dans la mesure du possible (article R. 4225-1 du code du travail) comme par exemple des abris, des zones d’ombre, des locaux climatisés à proximité etc.